Mitzpe Ramon, le 13 décembre
Un deal impossible
Je repasse par Tel Aviv, toujours aussi ensoleillée et agréable à vivre, loin du conflit même s’il est dans toutes les conversations. La plupart des gens que je rencontre condamnent l’attitude des colons d’Hébron et la passivité du gouvernement, c’est déjà ça. Ohad m’explique qu’en 2000 Yasser Arafat a refusé le deal que lui proposait le premier ministre travailliste Ehud Barak, soit la création d’un Etat indépendant sur 97% des territoires occupés, la plupart des colonies étant donc évacuées, avec Jérusalem-Est comme capitale.
Mais selon Ohad, peut-être parce qu’il n’était pas prêt à faire la paix et donc à reconnaître définitivement l’existence d’Israël, Arafat s’est arc-bouté sur la question des quatre millions de réfugiés palestiniens en exil depuis 1948, en sachant très bien que Barak n’accepterait jamais leur retour en Israël sous peine d’une guerre civile. Il ajoute que depuis cet échec les Israéliens ne croient plus dans la volonté de paix des Palestiniens et la gauche s’est effondrée. Ils vivent plus que jamais dans la paranoïa, ne pensent qu’à se protéger, fût-ce par un mur ou par l’oppression.
Aider les Palestiniens à vivre
Je reprends la discussion plus tard chez un couple d’amis d’Ohad qui habite la petite ville de Mitzpe Ramon dans le désert du Néguev. Mes hôtes, Boaz et Tamar, sont très accueillants, très gentils. Ils sont également très à gauche et très engagés pour la paix. Malheureusement pour eux, je suis toujours aussi remonté par ce que j’ai vu en Cisjordanie et c’est sur eux que ça tombe. Je leur dis qu’en aucun cas un livre religieux ne vaut titre de propriété et que les juifs ont bénéficié avec la création d’Israël d’une incroyable entorse au droit international. Jamais on a vu un peuple récupérer sa terre deux mille ans après l’avoir quittée, quelles que soient les persécutions dont il a pu faire l’objet. Je comprends que les juifs aient eu besoin de se réfugier quelque part après la Shoah et que les Israéliens puissent aujourd’hui se dire chez eux en Israël car la plupart d’entre eux y sont nés. Mais ils devraient avoir l’honnêteté d’admettre que les fondateurs de leur pays ont pris leur terre aux Arabes. Le minimum serait qu'ils fassent de leur mieux pour les aider à vivre plutôt que les traiter comme des chiens.
Une société israélienne empoisonnée
Boaz et Tamar, qui m’accueillent alors qu’ils ne me connaissent pas, encaissent et ont la patience de me répondre. Comme Ohad, ils estiment que c’est la peur qui guide l’opinion israélienne. Puisque les Palestiniens refusent de reconnaître Israël, puisqu’ils veulent son anéantissement, il existe un risque théorique de voir un jour la Shoah se reproduire. Dans ces conditions, les Israéliens pensent être en droit de se défendre par n’importe quel moyen. Mais Boaz et Tamar ne partagent pas cette opinion. Selon eux, l’existence d’Israël n’est plus menacée depuis bien longtemps. Il faut donc surmonter la tentation de la paranoïa et reprendre les négociations, peu ou prou en repassant par l’offre de 2000. Car Israël n’a pas le choix, sa société est minée par le conflit. On ne peut donner à des gamins de dix-huit ans armés d’un M16 les pleins pouvoirs sur des populations civiles palestiniennes sans les pervertir pour le restant de leurs jours. En même temps, à qui s’adresser ? La position palestinienne s’est radicalisée avec la victoire du Hamas aux dernières élections et l’opinion israélienne est de plus en plus sur les nerfs avec ces roquettes envoyées régulièrement depuis Gaza. Boaz et Tamar estiment que la situation est bloquée, ils mettent leur seul espoir dans d’hypothétiques pressions d’Obama sur le gouvernement israélien, qui est sur le point de rebasculer à droite. En les écoutant, je réalise que si la situation des Palestiniens est intenable, la position des pacifistes israéliens n’est pas vraiment confortable non plus.
Balade
Après toute une soirée de discussion acharnée, je passe deux jours en randonnées dans le Néguev, entre un canyon...
...et un cratère.
Rave dans le désert
Le samedi, Boaz et Tamar m’emmènent à une rave organisée en plein désert, une belle façon de conclure cette année de voyage. Comme les nuits sont fraîches, la fête démarre à six heures du matin et s’achève vers dix-huit heures. Nous filons avant l’aube. A notre arrivée, le soleil se lève sur un plateau perdu au milieu d’un fantastique paysage de montagnes désertiques façonnées par des siècles de crues saisonnières. Il y a là une centaine de personnes, dispersées entre le dancefloor, les tentes et les replis de terrain...
Alors pour commencer, je vous présente le dancefloor :
Et hop, un petit zoom arrière sur le paysage :
Personnages
La température avoisine les vingt-cinq degrés alors que nous sommes en plein mois de décembre. Rien de bien particulier pour les Israéliens, qui ont droit à des fêtes comme celle-là pendant huit mois de l’année... La musique est bonne, une trance énergique avec des pointes acides, même s’il est dommage que les DJ ne se foulent pas davantage sur le mix. Il y a aussi tout le folklore habituel. Le stand de maquillage fluo, le bouclier maya couvert de signes ésotériques, le garçon en manteau violet avec des plumes dans les cheveux, les danseuses tatouées avec leur hula-hoop, l’organisatrice torse nu devant les enceintes...
Et puis les sourires, la gentillesse, les gens qui n’en finissent plus de se tomber dans les bras, les groupes qui ont la délicatesse de discuter en anglais entre eux pour que je puisse comprendre. Boaz n’est pas peu fier de me montrer son pays sous un autre angle. Comme il me l’explique, si la trance et ses codes peace & love ont si bien pris en Israël, c’est que les raves sont une soupape dans ce pays en guerre permanente.
Assav et Boaz
Bon, là je vais légèrement sortir du sujet, mais je vous mets une vidéo qui mérite absolument d'être montrée. Elle propose un éclairage inédit et très intéressant sur le phénomène des raves.
Le Caire, le 16 décembre 2008
Départ
Voilà, c’est terminé. Je suis au Caire depuis deux jours, c’est d’ici que je vais prendre mon avion pour Paris. Après une dernière balade dans un curieux cimetière squatté qu’on appelle la Cité des morts, c’est le grand départ.
J’ai un peu la trouille. A la télévision, j’ai vu qu’en France il fait zéro degré. Il va falloir que je me refasse aux habitudes parisiennes, aux entrechats mondains, aux jours qui défilent tous plus ou moins les mêmes. Je vais essayer de vendre mes articles, si possible de repartir en reportage à l’étranger. On verra bien. Qu’est-ce que c’était bien, ce voyage. Des années que j’en rêvais. Voilà, ça a eu lieu. Sans accident, sans maladie, sans aucun problème en fait. Bon, c’est le moment de prendre mes sacs et de monter dans le taxi, l’avion ne va pas m’attendre. Allez, courage. Je rentre à la maison, c’est quand même pas la fin du monde.
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8 commentaires:
yeah, c'est vrai qu'on passe et qu'on laisse pas de commentaires tellement on rêve en lisant tes tribulations. ça donne envie de faire un teuf trans dans le désert.
alors on se voit mardi avec notre bonhomme de neige !
bises !
J'ai mis un peu de temps pour arriver au bout de ton récit (j'ai d'ailleurs pris qqs raccourcis ce qui me vaudra le plaisir de revenir) et c'est vrai que je n'ai jamais laissé de commentaires...
Les textes, les photos, et ton bonheur évident à parcourir ce bout de planète font de ton blog une source d'alimentation essentielle de ma propre imagination et de ma motivation à mettre moi aussi les voiles. Un verre de pisco sour m'attend dans un bar de Valparaiso...
Oh la la ça fait 3-4 jours que je lis ton blog et maintenant que je suis arrivée au bout, ça va me manquer!
La façon dont c'est rédigé est vraiment géniale! J'ai vraiment eu l'impression de voyager avec toi! Et les photos sont magnifiques!
Et c'est drôle de voir que tu as vécu des choses semblables à ce que j'ai pû vivre en passant 3 mois en Afrique!
J'espère que tu vas re-voyager pour pouvoir en profiter moi aussi!
Bon vent!
Au fait, comment s'est passé ton retour à Paris? Ça n'a pas été trop déprimant, perturbant?
Encore merci d'avoir partager tout ça!
e-mail: meteoagirl6@hotmail.com
Je ne sais pas comment marche ce système de commentaires. Mais si ceci est envoyé aux autres commentateurs, alors merci à vous trois pour vos gentils messages et Thaïs, ton mail ne marche pas.
Antoine
J'en veux encore.....
Mes cinq sens sont en effervescences.
Merci à Glamour mag de m'avoir fait découvrir Antoine et ses tribulations.
Heu...j'ai pas autant lu que les autres...mais pour le peu que j'ai lu j'ai bien rigolé. Les vaches se la coulent douce...Auroville n'attend sûrement plus le déluge et puis ton écriture est spontanée et ça...ça fait du bien !
PS Bon c'est un peu private mais je veux bien une photo de vache pour ma sœur.C'est une histoire de famille.
Je te l'achète contre une soirée au jus de fruit bio et aux pousses de bambou pour soutenir Auroville, pas mal non ?
clarouchka_157@hotmail.fr
je me suis payé un p'tit voyage ce matin a travers ton blog. je profite du l'espace commentaire pour écrire "no comment"
merci bcp Antoine de partager ton trip.
Alexandre Réty aka Urbrain
;-)
Bonjour,
C'est magnifiques, comme idée de voyage et surtout de le partager avec tous. Après avoir vu votre blog j'ai l'impression d'avoir voyager dans pleins des coins. Merci pour ce blog.
Tila
thyilaga@yahoo.com
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