11 - Plongée dans l’histoire

Bahar Dar, le 7 avril

Attaque du circuit historique par la face sud
Après une petite semaine à Addis, je me lance dans la découverte du pays. J’attaque le circuit historique, une grande boucle de 2500 km dans le nord du pays, par la ville de Bahar Dar, un capharnaüm de bars, de boutiques et de tables de ping-pong déglinguées. Le soir, les gens vont boire une bière au bord du lac Tanaa en regardant les pélicans...



...auxquels ils jettent de temps en temps un poisson.



Ensuite, ils fument le narguilé, mâchent le khat (ici appelé le tchat) et dansent dans les bars sur d’infâmes tubes de dance éthiopienne gavée de vocoder. Mais ce qui me gêne, c’est moins la musique que l’omniprésence de la prostitution. C’est bien simple, toutes les filles que l’on rencontre dans les bars sont là pour travailler. Vendre son corps est un procédé tout à fait habituel et toléré pour financer ses études, voire tout simplement pour gagner sa vie. Mais évidemment, cela fausse complètement l’ambiance, qui vire du coup assez glauque. Naïf que je suis, j’avais la vague idée que l’Afrique était aussi touché par le sida parce qu’il y régnait une grande liberté sexuelle, ce qui faisait flotter un parfum hédoniste plutôt sympathique sur le continent. Je peux remballer mon fantasme, tout ça est plutôt triste. Un moyen plus rigolo d’occuper ses soirées consiste à suivre le championnat anglais de football. Il suscite dans le pays une véritable hystérie, l’irruption de la télévision par satellite ayant entraîné l’apparition de légions de fans de Manchester, Arsenal, Chelsea et Liverpool. Les maillots de clubs sont partout et on retrouve leurs couleurs peintes sur les bars, les baby foot et parfois mêmes les tables de ping pong. Les soirs de match, c’est bien simple, la vie s’arrête.



Les îles monastiques du lac Tanaa
Mais bon, je suis avant tout à Bahar Dar pour voir le lac Tanaa. Déjà, c’est l’une des sources du Nil, ce qui vous pose son lac. Il est également très poissonneux.
Voici d'ailleurs le petit garcon qui est reparti avec les poissons que j'y ai pêchés avec l'aide d'un jeune du coin.



Mais surtout, il abrite sur ses îles une dizaine de mystérieuses églises monastiques dont le monde ignorait l’existence jusque dans les années 30. Un matin, je pars en exploration sur un petit bateau à moteur avec un petit groupe de Tchèques.



Après trois heures de navigation, nous débarquons sur un débarcadère en pierres, empruntons un petit chemin pierreux serpentant à travers un réseau serré de caféiers, d’orangers, de citronniers et de bananiers, avant de parvenir à une église circulaire en bois assez modeste gardée par un prêtre et un vieux garde.





Il nous fait découvrir la galerie intérieure baignée d’encens qui accueille les fidèles chaque dimanche. Par contre, nous n’avons pas accès au cœur de l’édifice, où repose traditionnellement une copie de l’Arche d’alliance, car celui-ci est réservé au clergé. Les murs sont ornés de peintures naïves illustrant les épisodes classiques de la Bible et en particulier de la vie de Jésus, mais aussi des miracles de Marie, une spécificité locale. Parmi les motifs récurrents, on trouve le fameux cannibale Balahi, qui mangea 78 personnes mais dont l’âme fût sauvée, car il donna une goutte d’eau bénite à un lépreux qui lui en demandait au nom de la Sainte-Vierge. Il y a aussi ce moine méritoire qui pria jour et nuit pendant vingt-trois ans avec une cotte de maille, histoire d’avoir trop chaud la journée et trop froid la nuit. Et bien sûr Saint-Michel et Saint-Georges, le patron de l’Ethiopie, qui transpercent chacun leur dragon.










Toutes les autres îles visitées ensuite affichent peu ou prou le même type d’église avec les mêmes peintures, bien que leur construction se soit étalée entre le XIII° et le XIX° siècle.



Certaines d’entre elles sont interdites aux femmes (et à tous les animaux de sexe féminin !), si bien que je me retrouve seul sur l’une d’elles avec l’autre garçon du bateau pendant que les filles doivent se rabattre sur une malheureuse île mixte. Evidemment, nous profitons de l’occasion pour leur raconter qu’elles ont raté la septième merveille du monde. En même temps, c’est vrai que c’est là que nous tombons sur un petit musée contenant un Ancien Testament du XIV° siècle fabriqué avec les peaux de 216 chèvres, deux magnifiques ombrelles servant à protéger une copie de l’Arche d’alliance et une impressionnante collection de couronnes royales.







Les très pieux rois éthiopiens sont tous passés par le lac Tanaa à un moment ou un autre et le fondateur de Gonder, où j’arriverai d’ici peu, a même abdiqué pour y finir sa vie comme moine. Le soir, je regagne mon hôtel, ravi de la balade mais un peu fatigué par les embruns, et je décide de m'acorder un soin réparatoire. J'ai lu dans le hall qu'il était possible de se faire masser dans sa chambre. Je commande donc une heure de massage pour le lendemain matin, histoire d'assouplir les muscles dès le réveil. A neuf heures, on tape a ma porte et j'ai la surprise et l'avantage de voir entrer non pas une mais deux masseuses !

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