28 - La rage des Palestiniens

Bethléem, le 4 décembre

Les choses sérieuses
Bon, maintenant que je suis à nouveau seul, c’est le moment d’aller voir ce qui se passe en Palestine. Pas dans la bande de Gaza, puisqu’elle est fermée, mais en Cisjordanie. A peine suis-je installé dans le bus que deux ou trois personnes m’adressent gentiment la parole. On me demande d’où je viens, on me propose de me faire visiter, on m’invite à dîner... Ils sont charmants, ces Palestiniens. Je commence par une soirée à Bethléem, où l’étable du petit Jésus a laissé la place à une agglomération de 60 000 personnes. J’y ai rendez-vous avec un groupe de journalistes anglo-saxons de l’agence palestinienne maannews.net, qui me dressent un tableau assez noir de la situation. Le lendemain, je me rends dans le village de Bela’in, à proximité de Ramallah, où une manifestation contre le Mur a lieu tous les vendredis. Lorsque j’arrive, elle a dégénéré en guérilla et des gamins éparpillés dans les champs d’oliviers hurlent leur haine en lançant des pierres avec leur fronde contre des soldats israéliens protégés par des grillages, qui ripostent avec des jets de gaz lacrymogène et des tirs de balles en caoutchouc.










Je m’en tire avec quelques picotements dans les yeux et me rends le soir à Hébron, siège du tombeau d’Abraham et épicentre des tensions entre juifs et Palestiniens.

Les colons d’Hébron
C’est une ville peuplée de 160 000 Arabes, mais dont le centre historique a progressivement été grignoté depuis 1967 par 400 colons, des extrémistes israéliens désireux de récupérer ce haut-lieu du judaïsme. De leurs fenêtres, ils insultent et terrorisent les passants en leur jetant des pierres ou des ordures, quand ils ne les passent pas à tabac. Ci-dessous, une maison palestinienne qu'ils ont taguée.



Postée dans des jeeps et sur les toits des immeubles, l’armée israélienne empêche les habitants de se défendre, si bien qu’ils ont peu à peu abandonné leurs maisons et leurs commerces, laissant derrière eux un centre-ville fantôme. La situation explose parfois, comme en 1994 lorsqu’un colon est entré dans la mosquée pendant la prière et a tué vingt-neuf musulmans, ce qui a provoqué une semaine d’émeutes. La veille de mon passage, l’armée a dû faire appliquer une décision de la Cour suprême et a évacué une maison que les colons occupaient illégalement depuis des semaines, si bien que ces derniers sont devenus fous de rage. Ils ont reçu des renforts de toute la Cisjordanie et se sont répandus dans la ville pour s’en prendre aux passants et mettre le feu aux voitures et aux maisons. Un ami français rencontré en Syrie qui se trouvait sur les lieux me confirme que les soldats surveillaient les émeutes et ne s’en prenaient qu’aux Arabes qui ripostaient.



Incendiaires
Les deux personnes que vous venez de se voir faire tirer dessus se trouvaient à côté d’une maison palestinienne située entre une importante colonie et la maison squattée. C’est là que nous nous rendons avec un journaliste américain. Les habitants nous racontent que, dès la nouvelle du tir connue, les soldats ont embarqué tous les hommes du pâté de maisons avoisinant afin d’éviter les représailles. Cinq minutes plus tard, des dizaines de colons se sont rués sur les maisons où s’étaient enfermés les femmes et les enfants. Ils sont montés sur les toits, où on nous montre les réservoirs d’eau et les antennes satellite qu’ils ont arrachés et défoncés avant de les jeter à terre, ainsi que les fenêtres grillagées dont ils ont brisé les vitres afin d’y introduire des feuilles de palmiers enflammées qu’ils avaient imprégnées d’alcool.







Ils n’ont pas réussi à mettre le feu aux maisons, mais nous constatons les traces d’un fort brasier allumé contre un mur. A la tombée de la nuit, en repartant vers Bethléem, je suis un peu sonné. Je m’en remets une dernière couche en allant passer une nuit dans l’hôtel d’un camp de réfugiés, où j’ai un nouvel aperçu de la misère et du désespoir des gens. Ci-dessous, un graffiti symbolisant la Palestine devant l’indifférence du monde.



Le lendemain, je conclus ma tournée par la visite de la basilique de la Nativité, la plus vieille église de la chrétienté, construite à l’emplacement supposé de la naissance du Christ.



Voici les deux niveaux de la crèche, au sous-sol.





C’est émouvant, bien sûr, mais insuffisant à me calmer. En passant devant les soldats qui gardent le checkpoint vers Israël, je ne peux pas m'empêcher d'avoir les poings qui se serrent.

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