6 - De Madurai à Bombay

Udipi (Karnataka), le 19 fevrier

Remontée express vers Bombay
Bon, j'ai deux semaines pour remonter attrapper mon avion à Bombay, à deux mille kilomètres de là. Il ne va pas falloir traîner à Madurai, meme si les chevres y sont mignonnes.



Pour commencer, il me faut abandonner mon Enfield. Le garagiste de Goa qui me l’a louée et qui s’est engagé à financer les réparations s’inquiète des nouvelles dépenses en prévision. Il me propose de la rapatrier par le train à partir de Madurai et de m’en renvoyer une autre. Comme je n’ai pas le temps d’attendre, je me résigne à abandonner mon statut de motard et à retourner aux joies des transports en commun. Lorsque je confie la belle au cheminot, toute emmaillotée dans sa toile de jute, je dois dire que ca me fait quelque chose.



Ca pèle à Kodaikanal
Au lieu de remonter comme tout le monde par la côte du Kerala, grand classique de l’Inde du sud avec la plage de Varkala, les bateaux/maisons de l’estuaire de Kollam et la vieille ville portugaise de Cochin, je tente de la jouer originale en passant par les montagnes. Première étape, la station de Kodaikanal, réputée pour ses hippies et ses champignons. Les chevelus ont dû se barrer avec la récolte, car je ne vois rien de tout ça. Par contre, la visite des principaux sites touristiques dans un minibus de touristes indiens, avec les photos officielles des couples enlacés devant le lac, l’église, la forêt de pins et la cascade, ça je n’en loupe pas une miette.





Comme c'est moi qui tient l’appareil, je les encourage à se rouler des pelles pour les faire rougir, mais bon ca ne suffit pas à vous remplir une journée meme s'il y a quand meme quelques singes qui me font marrer.



En plus, ce n'est pas la bonne saison et à la nuit tombée il fait un froid de canard. Je monte dans le premier bus de nuit, direction le parc national de Bandipur.

L’arnaque du livre de la jungle
Une copine m’avait certifié qu’elle avait trouvé dans ce parc national l’ambiance du Livre de la jungle. Elle y a vu, promis juré, un éléphanteau prendre sa douche avec un petit garçon assis à califourchon sur son dos. Moi, j’y retrouve le même minibus de touristes indiens partis pour un miteux safari de 45 minutes dans la broussaille, à mitrailler les biches et les singes qui regardent passer leur promène-couillons quotidien. Quant aux tigres promis sur la brochure, ils sont bien planqués en compagnie des panthères et des ours, pas un poil ne dépasse des fougères. Il y a bien quelques éléphants, mais ils attendent qu’on leur retire leur chaînes pour se faire grimper dessus par les touristes. Je m’enfuis sur le champ pour Mysore.



Maharadjah
Je voulais justement éviter les grands villes, mais celle-ci est sur mon chemin, et finalement les ruelles désordonnées du centre me plaisent bien. Par contre, la visite du fameux palais des maharadjahs, reconstruit au début du XX° siècle dans un improbable mélange d’arts déco et d’architecture locale me laisse perplexe.





La parade d’Udipi
J’enchaîne par Udipi, sur la côte du Karnataka. La ville n’a rien d’exceptionnel, mais je retrouve avec délice l’ambiance recueillie du temple, où des musiciens accompagnent la puja avec leurs tablas et leurs trompettes. En sortant, je découvre une foule amassée autour d’un plan d’eau sur lequel navigue une barque illuminée pilotée par des brahmanes en grande livrée. Dans la foulée, deux tours illuminées montées sur roulettes font leur apparition, tirées par la population surexcitée, et un feu d’artifices est tiré dans l’hystérie générale !





Carte postale à Kapu
Je fais un tour à Kapu, une petite plage déserte des environs qui, là encore, ferait un parfait décor de carte postale. J’y rencontre des pêcheurs tamouls venus chercher le poisson qui manque désormais chez eux. Ils m’invitent à partager leur déjeuner sans me demander un sou. Comme ils sont intéressés par mon ordinateur, je leur montre mes photos du Tamil Nadu, leur fais écouter Devendra Banhart et découvrir les visuels de Itunes, ils adorent. Moi aussi, je suis bien content de ma journée. Le lendemain, direction Bombay via Goa.











Bombay (Maharashtra), le 23 février

Ville de contrastes
Le premier truc qui me frappe dans cette immense ville de seize millions d’habitants, c’est les odeurs d’égouts pendant la traversée des bidonvilles. Les habitants doivent être habitués, par contre pour le visiteur c’est vraiment épouvantable. Mais en arrivant dans le centre historique, le quartier de Kolaba, changement total d’ambiance. Il y a des immeubles victoriens et des boutiques Benetton un peu partout, les rues sont à peu près propres, les rickshaws ont laissé la place aux voitures et des Indiens en costume occidental tapotent sur des ordinateurs portables dans des cafés branchés. C’est toujours l’Inde, il reste quelques échoppes de tailleurs et de cordonniers, mais dans une version très occidentalisée.

Ici, un photographe photographié devant The Gate of India.



Et ici la perspective devant Chapati Beach.



Couchsurfing
Le rédacteur en chef d’un magazine m’a dit qu’il serait peut-être intéressé par un papier sur Couchsurfing, un site de rencontres qui permet de proposer de recevoir les visiteurs de sa ville et, réciproquement, de se faire héberger gratuitement chez les gens ou au moins de boire un coup avec eux. Cela me paraît en plus un bon moyen de rencontrer des Indiens. J’avais déjà fait une tentative à Pondichéry, mais sans recevoir de réponse. Il faut dire que les fiches de présentation des types qui proposaient leur canapé laissaient entendre qu’ils cherchaient plutôt à mettre des étrangères dans leur lit, je n’étais donc pas dans la cible. Cette fois-ci, j’envoie une quinzaine de mails, dont une bonne moitié à des femmes. Et bien, je reçois une sept ou huit réponses positives, essentiellement de leur part ! A défaut d’un hébergement, elles me proposent de boire un verre, mais c’est déjà ça. Je commence par Piya, une juriste, qui demande au téléphone de me décrire précisément, car "vous, les Occidentaux, vous vous ressemblez tous" ! L’ambiance du Café Léopold, où elle m’a donné rendez-vous, me rappelle celle d’un bar évoqué dans Shantaram, un best seller racontant l’histoire d’un gangster australien qui s’installe à Bombay. Effectivement, l’action se déroule en partie ici, me confirme-t-elle en ajoutant que des malfrats sont probablement en train de faire discrètement leurs affaires sous nos yeux.



Le deuxième soir, toujours par l’intermédiaire de Couchsurfing, je rencontre Nelson, qui fait de la musique électronique à coloration indienne (je ne l’ai pas contacté par hasard). Nous passons la nuit dans un bar puis sur une terrasse d’immeuble avec ses amis, deux monteurs vidéo et un publicitaire. Dans la campagne télé que ce dernier vient de terminer, il tente de convaincre la ménagère que, si elle utilise sa lessive, elle sera toujours fraîche pour aller travailler, l’idée sous-jacente étant de lui promettre l’émancipation. C’est amusant de parler à l’un des responsables de ces campagnes ultra simplistes qui façonnent la société de consommation émergente du pays, tout comme cela s’est produit dans la France de l’après-guerre. Tous les Indiens présents ce soir là considèrent l’anglais comme leur langue maternelle. Je trouve un peu flippant de les voir se couper ainsi de leurs racines, d’autant que leur accent est si fort que je me demande s’ils sont très crédibles comme anglophones auprès d’Anglais ou d’Américains. Le lendemain, je passe ma dernière soirée dans un bar rock américain avec une jolie rédactrice de publicité au décolleté étonnamment ouvert, accompagnée de ses amis businessmen et informaticiens. Pour un peu, je me croirais dans un Hard Rock Café des beaux quartiers à Paris ou à Londres. Le concept de Couchsurfing est excellent, mais dans un pays en développement il ne donne évidemment accès qu’à la frange la plus privilégiée de la population.



L’heure de partir
Mon séjour à Bombay n’aura duré que trois jours, mais il m’a donné un aperçu prometteur de la ville. Ses contrastes me plaisent bien et je crois que j’y passerais volontiers une année entière. Il devrait y avoir moyen de s’immerger dans l’Inde tout en travaillant et, de temps en temps, de partir en excursion à Hampi, à Goa ou dans le nord de l’état qui, paraît-il, vaut le détour. Alors que mon avion s’apprête à décoller, je sens déjà monter la nostalgie du pays. J’avais adopté le hochement de tête local, j’arrivais enfin à manger de la main droite et je m’étais même mis à conduire aussi étourdiment que les Indiens, c’est dire si j’étais intégré. Leur simplicité, leur sourire, leur gentillesse et leur exubérance vont me manquer.

1 commentaire:

renaud.richardet a dit…

thanks for sharing! i had a good time with you in Mumbai, hope to see you again